« Mieux vaut le cuivre qui t’appartient que l’or d’autrui »

Ce petit tableau représentant Jésus et saint Jean-Baptiste appartenant à une collection particulière est peint à la peinture à l’huile sur cuivre. Il est arrivé à l’atelier durant le premier confinement ce qui m’a permis de me concentrer sur la spécificité de traitement que requiert ce type d’oeuvre sur métal.

Anonyme, Jésus et saint Jean-Baptiste, peinture à l’huile sur cuivre, XVIIIème siècle (?), 15,5 x 12,5cm, collection particulière, vue avant traitement ©A.Graczyk

C’est au XVIème siècle que les peintres italiens expérimentent leur art sur des supports considérés comme plus durables que la toile ou le bois, comme la pierre, le marbre, le porphyre, l’ardoise, et les plaques de métal tel le cuivre. Ce dernier est un support assez répandu de par son usage pour les gravures et les émaux[1]. Ces supports permettent en outre de donner un rendu très raffiné et précieux à l’oeuvre grâce à leur état de surface particulièrement lisse accentué par l’application d’une couche de préparation très fine, voire l’absence de préparation.

La particularité de ce type d’oeuvres tient à la nature même du support, le cuivre, qui réagit avec les matériaux organiques constitutifs de l’oeuvre tel que le liant utilisé pour la couche de préparation et la couche peinte, ici l’huile. Une couche verte très fine et transparente peut être visible au microscope à l’interface entre la préparation et le cuivre ; elle est le résultat de la réaction des ions cuivre de la plaque avec les acides gras de l’huile qui diffusent vers la partie inférieure de la préparation, formant des savons de cuivre[1].  Ces produits d’altération peuvent être la cause de dérèglements au sein de la couche picturale, notamment des soulèvements d’écailles de peinture entraînant des pertes de matière picturale.

Sur notre tableau, des écailles en perte d’adhésion et des lacunes sont visibles. L’observation sous microscope révèle une surface micro-craquelée.

Vue du paysage sous microscope : la surface est micro-craquelée et des grains de pigments sont visibles ©A.Graczyk

Nous notons également soit l’absence de préparation soit une couche de préparation extrêmement fine, ainsi que la présence d’une couche verte constituée probablement de savons de cuivre à l’interface entre le cuivre et la couche picturale.

Vue sous microscope d’un détail du tableau au niveau d’une lacune : une couche verdâtre est visible sur le cuivre au niveau des lignes de craquelures de la couche peinte, au centre de la photographie ©A.Graczyk

La spécificité de traitement des peintures sur cuivre est guidée par l’impossibilité d’utilisation de l’eau et de tous produits aqueux qui sont susceptibles de provoquer la corrosion de la plaque de métal. La formation de produits de corrosion entraîne le phénomène d’altération de la couche peinte par perte d’adhésion et/ou de cohésion, soulèvements d’écailles de peinture puis la perte de matière picturale. L’application de chaleur doit également être évitée ou extrêmement contrôlée à cause du phénomène de diffusion de la chaleur qui peut entraîner des effets indésirables sur de larges zones de la plaque.

Après refixage des écailles en perte d’adhésion avec un adhésif synthétique acrylique dans un solvant organique, le décrassage de la surface a été réalisé à l’aide d’une micro-émulsion grasse « eau dans huile », pour éviter le contact de l’eau et de la surface, à l’aide White spirit ,d’eau au pH ajusté à 6,5 et d’un tensioactif à base de désoxycholate de sodium (NaDOSS).

Le vernis est marron : il est très altéré. Les tests de retrait ont révélé une couche peinte aux couleurs très fraîches et verdoyantes. Le vernis a été retiré à l’aide d’un mélange de solvants appliqué sur une compresse d’Evolon® et laissé agir quelques secondes, avant le retrait avec un embout de coton.

Vue des tests de retrait du vernis ©A.Graczyk
Vue en cours de retrait du vernis ©A.Graczyk

Vue en cours de retrait, sous microscope

Le masticage des lacunes a été réalisé après plusieurs tests de recettes spécifiques pour les supports cuivre avec une résine synthétique acrylique chargée de blanc de titane. Un vernis à base d’une résine synthétique aliphatique a été appliqué par pulvérisation, puis les lacunes ont été retouchées aux Gamblin Conservation Colors®.

Vue avant et après traitement

Vue d’un détail avant et après traitement

Références :

[1] HOROVITZ Isabel, Paintings on copper ; a brief overview of the conception, creation and conservation in LOPEZ FUSTER Laura, CHULIA BLANCO Inmaculada, SARRIO MARTIN M. Francisca, VAZQUEZ DE AGREDOS PASCUAL M. Luisa, CARLYLE Leslie, WADUM Jorgen (eds.), Paintings on copper and other metal plates, Production, Degradation and Conservation Issues, ComunicaCC, Valencia, 2017, p. 17-18 et suivantes

LOPEZ FUSTER Laura, CHULIA BLANCO Inmaculada, SARRIO MARTIN M. Francisca, VAZQUEZ DE AGREDOS PASCUAL M. Luisa, CARLYLE Leslie, WADUM Jorgen (eds.), Paintings on copper and other metal plates, Production, Degradation and Conservation Issues, ComunicaCC, Valencia, 2017

MUGNIOT Laurence, Objets d’affection. Etude, restauration et conservation de six portraits miniatures peints à l’huile (Chantilly, Musée Condé, Mémoire de fin d’étude de l’Institut national du patrimoine spécialité peinture, Inp, 2007, notamment p.140 et suivantes