La Créole au perroquet est une peinture à l’huile sur toile conservée au musée des Beaux-Arts d’Angers. Elle a été peinte vers 1910 par Alexis Merodack-Jeaneau (1873-1919) et représente une femme debout, de face, entourée d’un perroquet et d’une corbeille richement ornée de fruits exotiques.
Engagé pour la diffusion de l’art contemporain auprès du plus grand nombre, Alexis Merodack-Jeaneau est un peintre angevin aujourd’hui oublié. En son temps il fut remarqué par Guillaume Apollinaire qui écrivit que celui-ci eut une « grande influence sur Van Dongen et bien d’autres »1. Son style personnel – le synthétisme – est marqué par la primauté de la ligne et de la couleur.
« Saisir la vie, noter le mouvement, rendre l’atmosphère. J’essaie de faire mes grands tableaux comme mes croquis rapides, avec les simples touches nécessaires de couleur« 2 écrit-il pour résumer ses recherches. Si ses explorations picturales sont assez bien ancrées dans les avant-gardes du début du XXème siècle, c’est surtout par sa technique que Merodack-Jeaneau a innové.
En effet, sur cette oeuvre et sur de nombreuses autres, une grande partie de la composition a été peinte directement avec le tube, sans l’usage de la brosse ni de la palette. De longues trainées de couleurs pures jaillies du tube sont visibles sur plus d’un quart de la composition, créant une matière brute épaisse et dense. Merodack-Jeaneau est l’un des premiers peintres a avoir peint de la sorte. Sans l’invention du tube de peinture à peu près un siècle plus tôt, en 1841, cette peinture aurait été bien différente.
Cette matière épaisse pose aujourd’hui des problèmes de conservation ; de nombreuses zones où la peinture a été appliquée directement avec le tube présentent des dégradations prématurées liées aux matériaux constitutifs, et notamment, probablement les additifs ajoutés dans la peinture en tube. Ces additifs étaient alors ajoutés et le sont encore aujourd’hui pour garantir à la peinture une bonne conservation dans le tube. Certains d’entre eux peuvent être véritablement néfastes pour la conservation sur le long terme de la peinture une fois sortie du tube. Ici, la peinture n’adhère plus à son support et évolue en lacunes, elle devient pulvérulente, est sensible à l’eau et des amas blancs non identifiés sont présents sur sa surface.
Le traitement de conservation-restauration de l’oeuvre a permis de rétablir son intégrité structurelle en procédant au refixage des écailles de peinture soulevées et à la consolidation des zones en perte de cohésion. Le démontage ponctuel de la toile de son châssis fixe non chanfreiné a permis de consolider les déchirures présentes au niveau des zones où la toile est en contact avec le bois ainsi que de résorber les déformations d’angles provoquées par le retrait du bois du châssis. Car la surface n’était pas vernie, l’oeuvre s’est encrassée pendant des décennies. La surface a été décrassée avec des produits appropriés pour le traitement de surfaces en relief sensibles à l’eau.
La Créole au perroquet est aujourd’hui visible dans les salles du musée des Beaux-Arts d’Angers aux côtés d’autres oeuvres sur lesquelles Merodack-Jeaneau a également apposé ses tubes. Cette oeuvre a été l’objet de mon mémoire de fin d’études à l’Institut national du patrimoine (voir ici).
1 APOLLINAIRE Guillaume, Chroniques d’art (1902-1918), Paris 1960, p.64
2 MERODACK-JEANEAU Alexis, Ouest, 1er août 1912