Ce tableau, de dimensions 41.3 x 76.3 cm, intitulé Le Commerce et le Bon gouvernement, ou les bienfaits de la Banque Royale sur le sort de la France, est une esquisse pour le plafond de l’Hôtel de la Banque Royale réalisée par François Lemoyne vers 1720, aujourd’hui conservé dans les collections du musée des Arts Décoratifs.
Il s’agit d’une peinture à l’huile sur toile tendue sur un châssis à clés. L’œuvre est vernie, et le vernis semble être d’origine naturelle comme l’indique sa fluorescence particulière lorsque nous l’observons aux rayons ultra-violets. Le tableau est dans un bon état de conservation, mais c’est son état de présentation qui est peu satisfaisant ; le vernis est très jauni, probablement oxydé, ce qui nuit à la bonne lisibilité de la composition, qui semble comme passée au second plan. La surface de l’oeuvre est également encrassée, ce qui n’aide pas non plus à l’observation de l’ensemble.
Mais pourquoi ce vernis est-il si jaune ? Les résines naturelles utilisées comme vernis se dégradent par oxydation et scission des chaînes de polymères qui les constituent du fait de l’action conjuguée de la lumière, et notamment des rayons ultra-violets, ainsi que des variations d’humidité relative. Ainsi le vernis, couche de protection qui permet également de saturer les couleurs d’une oeuvre, jaunit, brunit et se déplaque, n’assurant plus son rôle initial. Cette dégradation est naturelle ; elle est le résultat du passage du temps et par conséquent du vieillissement inhérent des matériaux qui composent une oeuvre. Car les peintures sont parfois revernies sans que leur vernis n’ait fait l’objet d’un traitement satisfaisant, ce sont souvent de multiples couches de vernis qui gênent voire masquent la lisibilité d’une oeuvre.
Le projet était de retirer le vernis jauni, après avoir retiré la crasse, pour améliorer l’état esthétique du tableau.
Le décrassage a été réalisé à l’aide de solutions aqueuses ajustées à l’aide du Programme de Nettoyage Modulaire (ou en anglais « Modular Cleaning Program »), un kit élaboré de solutions de décrassage relié à un logiciel mis au point par Chris Stavroudis sur les fondements des enseignements de Richard Wolbers. Ce protocole permet de tester plusieurs solutions d’eau paramétrée à l’aide de différents additifs. Ces derniers sont par exemple des agents tampons permettant de maîtriser le pH au contact de la surface, ou d’autres produits chimiques tels que des chélatants1, des tensioactifs2 ou bien des épaississants.
Le vernis a été nettoyé à l’aide d’un mélange de solvants déterminé via le protocole mis au point par R.L.Feller et revisité par Paolo Cremonesi. Il consiste en des mélanges de trois solvants de référence (par ordre de polarité croissante, un solvant apolaire aliphatique de type white spirit désaromatisé, l’éthanol et l’acétone) à différentes proportions allant du moins au plus polaire. Cela permet d’adapter avec justesse les solvants choisis aux caractéristiques chimiques du vernis à solubiliser.
Le résultat a été très satisfaisant ; le retrait du vernis jauni a permis de retrouver les détails du tableau qui, auparavant, étaient difficiles à observer, et a totalement « rafraîchi » la composition, retrouvant par là une clarté toute méditerranéenne.
Un nouveau vernis a ensuite été appliqué sur la surface. Voyez ci-dessous par vous-mêmes combien il permet de saturer à nouveau les couleurs, de donner de la profondeur, en plus bien sûr d’assurer une couche de protection au tableau.
Le tableau est exposé à « Eblouissante Venise! Venise, les arts et l’Europe au XVIIIème siècle » aux galeries du Grand Palais du 26 septembre 2018 au 21 janvier 2019.
Je suis vernie !
1 Chélatant ou complexant : substance chimique qui a la propriété de fixer durablement des ions positifs pour former un complexe soluble.
2 Tensioactif : substance chimique modifiant la tension superficielle entre deux surfaces.